lundi, août 20, 2007

La vie (économique) se déroule naturellement : ni fautes, ni punis, ni punition, ni punisseur

J’ai indiqué sur ce blog comment la crise actuelle peut être éclairée par le mythe de la tour de Babel. L’accroissement permanent et toujours accéléré du niveau d’endettement revient à espérer la possibilité d’un endettement infini sur l’avenir. Rêver l’endettement infini ce n’est rien d’autre que rêver l’abondance absolue dans l’instant présent, permise par la dépense immédiate des ressources accumulées dans le passé et des prévisions illusoires de croissance sans effort supplémentaire de ces ressources dans l’avenir. Rêver l’endettement infini c’est rêver un présent de pure passivité, de pure consommation.
Rêver l’endettement infini, c’est aussi cauchemarder l’abolition du présent, écrasé entre les obligations croissantes à l’égard des dettes passées et les attentes toujours plus illusoires à l’égard de l’avenir. De sorte que rêver l’endettement infini, c’est rêver une consommation infinie source d’une jouissance nulle, parce que cette consommation est ternie par une culpabilité vis à vis du passé et une angoisse vis-à-vis de l’avenir infinies.
Je souhaite rappeler un point essentiel de l’interprétation que j’ai proposé du mythe de Babel. Dans l’effondrement de la tour, dans l’effondrement de notre pile de dettes et du système financier assis sur elle, il n’y a ni punis, ni punition, ni punisseur. C’est là l’enseignement le plus difficile de tous.
En effet le premier réflexe est naturellement d’accuser ceux qui ont organisé la construction de la tour interdite, ceux qui ont participé à sa construction, ceux qui l’ont habité, ceux qui ont détourné de leurs célébrations les honnêtes cabris, pour en faire les moutons et hussards noirs de la spéculation. Qu’il est doux alors de penser qu’un Dieu vengeur les punit, ces innombrables experts, brillants mathématiciens, éminents juristes, fantastiques créateurs, prodigieux vendeurs, qui n’ont rien trouvé de mieux que concevoir de nouveaux produits dérivés, de nouveaux prêts, de nouveaux paradis fiscaux, de nouvelles publicités pour vendre maisons, meubles de mode, « biens » de toutes sortes, et démarcher un à un ou par millions à la fois les honnêtes cabris pour en faire des moutons noirs.
Pourtant il n’y a ni punis, ni punition, ni punisseur. Il n’y a que la vie s’écoule. La société, la planète, sont à l’image de l’être de chacun. Si certains sont méchants, c’est qu’ils ont chus. S’ils le sont restés c’est que nul ne les a relevés. Le bien c’est toujours reconnaître qu’il n’y a pas de rôles, pas de bien ou de mal, juste un flot auquel il faut se connecter.
Il y a peut être des raisons qui ont mené à la construction de notre tour de babel financière. Il n’est pas certain qu’il faille les élucider. La seule certitude c’est que seul la reconnexion de chacun et de tous avec le flot peut nous sortir de ce type d’illusions à répétition.
Parce qu’au fond reconnaissons le. Ce qui nous arrive n’est rien d’autre que ce que Shakyamuni le Bouddha illuminé ou même Jésus nous a annoncé au niveau individuel. L’attachement mène à la déception et la souffrance. Si collectivement nous devenons chaque jour un peu plus un, unis dans l’humanité alors ce qui est vrai de chaque individu le devient de la collectivité.
En nous endettant collectivement, les uns aux autres, nous avons enfreint toutes les règles de vie religieuses, tous les préceptes. Ce que nous commençons à expérimenter ce n’est pas une punition pour avoir enfreint, mais le phénomène qui a mené à l’édiction de la règle. Ces règles ne sont que conseils, balustrades, cannes pour nous fétus de paille dans l’immensité de l’espace et du temps.
Soyons désormais à nous mêmes tous les pères de nos fils prodigues. Voici que nous avons expérimenté le mal, dans l’écart aux règles reçues, voici que ce faisant, nous avons enfin accédé par la souffrance à la compréhension du pourquoi ces règles avaient été édictées. C’est merveilleux. Le fils prodigue par ses erreurs, par sa souffrance, par son apprentissage, par la reconnaissance qu’il a fait de ces erreurs, par chacun de ses actes justifie et éclaire l’action du fils juste. C’est l’échec des fils prodigues qui démontre le bien fondé de l’action des fils justes et c’est bien pour cela qu’il faut leur pardonner, parce que sans l’expérience du mal et de la souffrance, comment pourrions nous acquérir la certitude dans la conquête du bien ?

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